L'égalisation : tabou et décryptage

Ce sujet agace au plus au point quelques puristes de la communauté audiophile : Égaliser, c’est tromper. La (très) haute-fidélité digne de ce nom n’aurait pas besoin d’égalisation. Point final.

Tous les avis se respectent, mais comment expliquer que les solutions d’égalisation soient quotidiennement utilisées en audio pro et que l’on trouve deux marques au firmament de la hifi - FM Acoustics et Accuphase, proposant encore des correcteurs harmoniques ?

On manquerait de place pour énumérer la somme des facteurs techniques qui, dans une installation hi-fi, influencent la restitution de la musique. Toutes les composantes matérielles portent une part de responsabilité, pas uniquement les éléments en bout de chaîne (casques, enceintes). Il y a aussi des facteurs subjectifs : les oreilles du concepteur et celles de l’auditeur. Ce n'est donc pas un crime de lèse-majesté que vouloir corriger une légère acidité dans les aigus, une région des médiums un poil anémique ou des basses fuyantes.

L’égalisation peut vous apporter une solution. Elle ne fait pas de miracles et n’imaginez pas qu’une caisse à savon se mettent à jouer comme un Stradivarius. Mais l’égalisation utilisée avec nuances et avec le bon support d’égalisation peut révéler votre casque et réveiller votre amourette.

Nous vous proposons une série d’articles pour avancer dans la connaissance de l’égalisation. Commençons par son décryptage.

Qu’est-ce qu’une égalisation ?

Le principe de l’égalisation est de modifier le signal sonore afin de compenser une singularité de la réponse en fréquences du casque (ou des enceintes). L’objectif est d’appliquer au son une correction inverse afin que les deux se compensent. Cela revient, par exemple, à augmenter le volume d’une bande de fréquences qui présente un creux dans la courbe de réponse en fréquences.

Qu’appelle-t-on « réponse en fréquences » ?

Il s’agit du niveau sonore restitué par le casque (ou l’enceinte) pour chacune des fréquences audibles. Pour la mesurer, on envoie un signal à un niveau sonore standardisé (typiquement 84 dB) et on mesure le niveau sonore produit par le casque. En faisant cette opération pour chaque fréquence, on obtient une courbe dite de réponse en fréquences qui caractérise le comportement du casque et sa restitution.

Pour quelle raison certains casques auraient-ils besoin d’être corrigés ?

Aucun casque n’est parfait. Tous résultent d’une série de compromis dans sa conception globale et celle de ses composantes. Même les casques les plus onéreux présentent quelques « coquetteries ». Cela étant, la notion de perfection a un sens très relatif, car un défaut mesuré de la réponse en fréquences peut être ressenti subjectivement comme une qualité par certains auditeurs. C’est, par exemple, le cas des casques présentant un fort excès de grave, lequel est apprécié pour l’écoute de certains types de musiques.

Il n’est donc pas indispensable d’égaliser un casque dont la réponse en fréquences présente des défauts ? 

Les défauts de la réponse en fréquences sont de deux types : des accidents localisés et des biais plus larges. Un accident mérite toujours d’être corrigé dès lors qu’il est perceptible et affecte les timbres. En revanche, un excès de grave ou de médium, ou encore un déficit d’aigu n’est pas forcément à corriger s’il correspond aux goûts de l’auditeur. La musique acoustique – notamment la musique classique – est la plus exigeante en matière de neutralité si l’on veut que la sonorité des instruments soit respectée sur toute la gamme des fréquences audibles.

Tous les casques peuvent-ils être égalisés ? 

Oui, sans exception, pour peu que l’égalisation soit bien réalisée. Elle ne présente jamais de risque pour l’intégrité du matériel, au contraire des modifications physiques.

L’égalisation est-elle préférable à une modification des casques ?

Oui, pour deux raisons. La première est qu’elle ne fait pas courir au casque le risque d’une mauvaise manipulation. La seconde est qu’elle est beaucoup plus précise : vous ajustez finement la bande de fréquences, la forme et l’intensité de la correction, ce qu’une modification matérielle ferait de façon approximative et non contrôlée. 

Existe-t-il plusieurs types d’égalisation ?

Oui. Il faut en premier lieu distinguer l’égalisation faite en amont, lors du mixage du son, de l’égalisation réalisée par l’auditeur pour atténuer certaines singularités de la réponse en fréquences. Les procédés sont similaires, mais nous n’examinons ici que l’égalisation par l’auditeur. La seconde distinction est technique : pour égaliser un casque, on peut intervenir sur le son dans sa forme numérique ou analogique. La plupart des égaliseurs grand public interviennent sur le signal numérique pour une double raison : c’est plus simple, plus précis et plus efficace. 

Comment savoir quel type d’égalisation utiliser ?

Cela dépend de votre système d’écoute, car tous n’autorisent pas une intervention sur le signal numérique. Si, par exemple, vous écoutez un album sur un lecteur CD alimentant directement un ampli casque, vous n’avez aucun accès au signal numérique, celui sortant du lecteur étant analogique. Vous n’avez alors pas d’autre solution que de recourir à un égaliseur analogique, à positionner entre le lecteur et l’ampli casque. En revanche, si votre lecteur CD a une sortie numérique, vous pouvez intercaler un égaliseur numérique entre le lecteur et le DAC (ou opter pour un DAC qui a une fonction d’égalisation, comme le RME ADI-2 DAC). Tout devient plus simple si votre lecteur est un logiciel sur ordinateur, baladeur ou smartphone, car ils ont accès au signal numérique et les solutions d’égalisation logicielle sont multiples.

Pourquoi certains audiophiles semblent-ils opposés par principe à l’égalisation

Il existe deux variétés d’oppositions à l’égalisation. La première est largement due à une méconnaissance des principes et du fonctionnement de l’égalisation, qui aboutit à la crainte d’une détérioration du son. La seconde vient d’un respect excessif de l’objet casque et de ses concepteurs, alors que lesdits concepteurs fournissent parfois eux-mêmes des égalisations pour leurs casques – comme Audeze avec son plug-in Reveal. Paradoxalement, ceux qui refusent l’égalisation dépensent souvent des fortunes pour trouver des électroniques ou des câbles dont l’effet correcteur est bien moindre que celui d’une égalisation.   

L’égalisation ne peut donc pas détériorer le son ?  

Nous verrons dans les articles techniques que l’égalisation a une contrainte forte : ne jamais augmenter le volume d’une bande de fréquences sous peine de risquer un clipping (saturation par écrêtage). Lorsque c’est nécessaire pour combler un creux de la réponse en fréquences, il faut impérativement baisser d’autant le gain global de l’égalisation, ce qui se traduit par une remontée du plancher de bruit. Dans l’immense majorité des cas, c’est totalement inaudible, et les rares fois où ça l’est, en présence d’un enregistrement médiocre ou très ancien, l’apport de l’égalisation est très supérieur. 

Comment déterminer quelle égalisation appliquer à son casque ? 

Il faut pour cela connaître la réponse en fréquences du casque, mais aussi avoir une pleine conscience de ses goûts personnels qui induiront un écart à la simple neutralisation des défauts. Nous développerons ces problématiques dans les articles à venir.

Mais si vous souhaitez prendre des raccourcis, on vous conseille le fil de discussion de l'excellent forum Tellement Nomade dont un membre épatant (Alphatak) a réalisé des mesures de réponses en fréquences sur une multitude de casques, et préconisé des réglages d’égalisation pour les mener au meilleur de leur forme. Vous trouverez ce fil ici.

À suivre...